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Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées, qu’en effet nous apercevions sous nos pieds, les sommets de quelques pitons dont la base disparaissait dans les profondeurs bleuâtres d’une vallée. Nous nous précipitâmes vers un étroit sentier qui plongeait en spirale au fond de ce gouffre. Les mules, effrayées par sa pente vertigineuse, semblaient résolues à ne marcher qu’au pas, mais l’éperon et le lazo les déterminèrent à changer d’allure. Grâce à l’emploi de ces moyens coercitifs, nos bêtes, fermant les yeux sur le danger, se lancèrent dans l’escalier tortueux avec la vitesse de pierres qui roulent.

À mesure que nous abandonnions les régions supérieures, l’horizon se rétrécissait et la lumière se retirait de nous ; bientôt le ciel ne fut plus qu’une bande d’azur étendue sur nos têtes. Le paysage changea d’aspect. La végétation prit un caractère grandiose. Aux plantes, aux buissons, avaient succédé des arbustes ; les arbustes furent à leur tour remplacés par des arbres. Des ruisseaux jaillirent à grand bruit du flanc des montagnes ; des cultures, des toits de chaume apparurent sur leurs versants ; puis la nuit vint sans crépuscule, et confondit tous les objets dans une teinte sombre. Un brouillard dense et froid monta du fond de la vallée, où grondait un torrent, rampa le long des pitons, escalada leur faîte et finit par les voiler entièrement. Pendant quelques minutes, nous cheminâmes au milieu d’é-