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tant si coquette, cette blanche madone aux bras inclinés, ces cires et ces fleurs prodiguant à l’envi, les unes leur éclat, les autres leurs parfums, entre ce tableau d’un charme et d’une douceur poétiques et l’effroyable orgie qu’on entendait rugir et piétiner au dehors, le contraste était si frappant, l’antithèse si tranchée, que l’intelligence la plus obtuse en eût été saisie.

Après un moment de méditation, je quittai la chapelle. Le froid augmentait sensiblement. Je cherchai nos amis à travers les groupes, et ne les trouvant pus, je pensai qu’ils étaient rentrés, et je me dirigeai vers la maison. Elle était morne et silencieuse. Les gens de service avaient disparu. Une seule bougie éclairait la salle à manger, où notre hôte dormait, les coudes sur la table. Un mozo, préposé à la garde du maître, buvait à même une bouteille au moment où j’entrai. Je lui demandai des nouvelles de nos amis. Il me répondit que ces messieurs s’étaient retirés dans leur chambre après l’avoir chargé de me souhaiter une bonne nuit. Par discrétion, je m’abstins de parler de ces dames, bien que leur disparition subite m’étonnât un peu, et je passai, conduit par l’homme, dans l’aposento qui m’était destiné. D’épaisses toisons, empilées sur le sol et recouvertes de draps blancs, formaient une couche moelleuse. J’en pris possession en bénissant Dieu, et ne fis qu’un somme jusqu’au lendemain.