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La vue de ces plantes, si pâles et si souffreteuses qu’elles fussent, nous fit oublier sur-le-champ la rude journée de la veille et l’immersion glacée de la nuit. Changer de région, n’était-ce pas, en quelque sorte, toucher au terme de nos misères ! Nos cœurs se reprirent à l’espérance, tandis que nos estomacs se dilataient par avance à l’idée d’un bon déjeûner. Les mules mêmes, comme si elles eussent flairé un champ de luzerne encore invisible, allongèrent le pas avec de petits mouvements de croupe qui témoignaient de leur satisfaction.

Ainsi cheminant, nous atteignîmes, vers midi, le versant sud-est de la Puna, dont l’inclinaison était remarquable. Un cercle de neiges lui servait de barrière à l’horizon. Tout à coup, un des muletiers qui marchait en avant, se retourna pour nous montrer, à deux kilomètres de distance environ, les lignes blanches d’un édifice, à demi caché par un accident de terrain. « Lauramarca ! » cria l’homme en piquant sa bête ; nous piquâmes les nôtres, et dix minutes nous suffirent pour être en vue de l’hacienda. Un corps de logis avec ailes en retour, des pignons coiffés de tuiles rouges, de vastes communs, et force cahuttes d’indiens, se rattachant au tout, donnaient à cette demeure un aspect seigneurial ; comme nous admirions sa fière tournure, cherchant à deviner la signification d’une série de banderolles multicolores suspendues à des perches, et que le vent faisait on-