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XXV


De la mort de Ban et de l’habitation des Allemands en ces pays-là.


Le jour suivant nous arrivâmes à un autre logement plus proche des montagnes ; j’appris aussi qu’alors nous avions passé la mer où entre l’Étilia. Je m’enquis aussi de la ville de Talas, où il y avait des Allemands sujets de Bury, dont j’avais ouï parler par l’un de nos frères ; je m’en étais aussi informé aux cours de Sartach et de Baatu, mais je n’en avais pu apprendre autre chose, sinon que leur seigneur Ban avait été tué à cette occasion. Il n’était pas en un trop bon pacage[1], et un jour étant un peu chargé de boisson, il disait aux siens : « Ne suis-je pas de la race de Cingis-Khan aussi bien que Baatu (dont il était le neveu ou le frère), et pourquoi ne puis-je aller aux pacages d’Étilia comme lui ? » Ces paroles lui ayant été rapportées, Baatu écrivit aux hommes de Ban qu’ils ne manquassent pas de lui amener leur maître lié et garrotté, ce qu’ils firent ; et Baatu, le voyant, lui demanda s’il était vrai qu’il eût dit cela : ce qu’il confessa, en s’excusant qu’il était ivre alors, car leur coutume est de pardonner aisément aux ivrognes. Mais Baatu, sans rien considérer, après lui avoir reproché comment il avait été si hardi de proférer son nom en son ivresse, lui fit couper la tête sur-le-champ.

Nous allâmes ensuite vers l’orient droit à des montagnes, et dès lors nous commençâmes à entrer parmi les gens de Mangu-Khan, qui, partout où nous passions, venaient chanter et battre des mains devant notre conducteur, d’autant qu’il était envoyé par Baatu, Ils se rendent cet honneur les uns aux autres, en sorte que les gens de Mangu reçoivent de cette ma-

  1. Pâturage. — Il faut se rappeler que les chefs visités par nos voyageurs ont des troupeaux pour principale richesse.