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ce n’était pour des toiles et des draps, dont nous n’avions point. Quand nos serviteurs leur offraient de la monnaie, ils la frottaient entre leurs doigts et l’approchaient du nez pour sentir si c’était du cuivre ; ils ne nous donnaient aucune sorte de nourriture, si ce n’était du lait de vache fort aigre et puant. Le vin commençait déjà à nous manquer et les eaux étaient toutes gâtées et troublées par les chevaux, de sorte qu’il n’y avait pas moyen d’en boire, et sans le biscuit que nous avions, et surtout la grâce du bon Dieu qui nous assistait, nous fussions tous morts de faim.


XIV


D’un sarrasin qui disait se vouloir faire baptiser et de certains hommes qui semblent être lépreux.


Le jour de Pentecôte vint vers nous un certain sarrasin, auquel nous donnâmes quelque exposition de la foi ; et lui, entendant les grands bienfaits de Dieu envers les hommes, en l’incarnation de Christ, la résurrection des morts et le jugement final, et que les péchés étaient lavés et effacés par le baptême, il nous fit entendre qu’il désirait être baptisé ; et comme nous étions tout prêts à le faire, il monta aussitôt à cheval, disant qu’il s’en allait chez lui et voulait consulter de cette affaire avec sa femme. Étant revenu le lendemain, il nous dit qu’il n’osait se faire baptiser, parce qu’il ne pourrait plus boire de koumis, selon l’opinion des chrétiens de ce pays-là, et que sans un tel breuvage il lui serait impossible de vivre en ces déserts, et jamais je ne lui pus ôter cette opinion, quoi que je lui susse remontrer. Ce qui fait voir combien ils sont détournés de la foi par cette fantaisie que leur ont donnée les Russiens, qui sont en grand nombre parmi eux. Ce même jour, Scacatay nous donna un guide pour nous mener à Sartach, et deux autres hommes pour nous conduire jusqu’au plus proche logement, qui était à cinq journées de là, selon que nos bêtes pouvaient marcher. Ils