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Nil), où étant arrivés, il les chargent de nouveau sur des vaisseaux qui les mènent à Alexandrie ; et il n’y a point de plus court chemin que celui-là pour aller de ces pays orientaux à Alexandrie[1]. Ces négociants amènent outre cela beaucoup de chevaux quand ils vont dans l’Inde pour trafiquer. Le roi d’Aden exige de ces marchands qui passent par son pays et emportent des parfums et autres marchandises, un très fort droit, ce qui lui rapporte un grand profit. Lorsque le sultan d’Égypte, en l’an 1200, assiégeait Acre pour la reprendre aux chrétiens, le sultan d’Aden lui envoya trente mille cavaliers et quarante chameaux. Ce n’est pas qu’il fût aise qu’il réussît dans son entreprise, mais parce qu’il souhaitait la destruction des chrétiens. À quarante milles du port d’Aden, en allant vers le septentrion, on trouve la ville d’Escier[2], qui a sous sa dépendance plusieurs autres villes et châteaux et qui appartiennent tous au roi d’Aden. Il y a aussi près de cette ville un très bon port, d’où l’on transporte un nombre infini de chevaux dans l’Inde. Ce pays abonde en encens blanc qui est très bon, qui découle de certains petits arbres peu différents des sapins. Les habitants font des ouvertures dans l’écorce de ces arbres pour en tirer l’encens, et, malgré la chaleur qui est fort grande, il en coule beaucoup de liqueur. Il y a aussi en ce pays-là des dattiers et des palmiers ; mais il n’y a point de grains, si ce n’est un peu de riz ; il y a, en récompense, de très bons poissons, surtout des thons, qui passent pour excellents. Ils n’ont point de vin, mais ils font une bonne boisson avec du riz, des dattes et du sucre. Les moutons que l’on trouve en ce pays-là sont petits et, n’ayant point du tout d’oreilles, ils ont seulement à la place deux petites cornes. Les chevaux, les bœufs, les chameaux et les moutons vivent de poissons : c’est leur manger ordinaire, vu qu’à cause de l’extrême

  1. Ce passage indique bien que Marco Polo, par une erreur géographique très concevable, considère le territoire abyssinien comme se rattachant au continent asiatique, et par conséquent aux deux autres Indes.
  2. Entre Aden et Oman. (P.)