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d’éléphants que dans ces deux îles. On ne mange point dans cette île d’autre viande que celle de chameau, laquelle chair est fort saine aux habitants ; il y a une multitude presque infinie de ces animaux dans cette île. Il y a outre cela dans cette île des forêts de sandals et de bon rouge, dont on fait plusieurs ouvrages. On prend aussi dans la mer de grandes baleines, d’où l’on tire de l’ambre. Il y a des lions, des léopards, des cerfs, des daims, des chevreuils et plusieurs autres sortes d’animaux et d’oiseaux propres à la chasse. Enfin on y trouve diverses espèces d’oiseaux dont on n’a jamais entendu parler chez nous. Plusieurs marchands viennent en cette île à la faveur du flux de la mer. Car on peut venir en vingt jours de la province de Maabar à cette île de Madaigascar avec le flux de la mer ; mais on a de la peine à en sortir ; et il faut quelquefois trois mois pour surmonter les difficultés de ce flux, parce que la mer porte toujours vers le midi avec beaucoup d’impétuosité[1].

XL
D’un très grand oiseau nommé ruc.


Il y a encore d’autres îles par delà Madaigascar ; mais l’accès en est très difficile à cause de l’impétuosité de la mer. Il paraît dans ces îles, en un certain temps de l’année, une espèce d’oiseau fort surprenant, nommé ruc[2], ayant la figure d’un aigle, mais d’une grandeur extraordinaire. Ceux qui ont vu de ces oiseaux disent que la plupart de leurs plumes sont de dix pas de long, qu’elles sont grosses à proportion et que tout

  1. Ces remarques sur les courants de la mer africaine sont absolument confirmées par les observations scientifiques modernes. (P.)
  2. C’est l’oiseau fabuleux ruc, rouk ou roc, dont il est souvent fait mention dans les légendes indiennes et dans lequel les naturalistes modernes pensent reconnaître l’Epyornis ou quelque autre représentant des espèces d’oiseaux gigantesques dont la race est aujourd’hui éteinte, mais dont l’existence est attestée par des restes d’ossements, et notamment par les œufs énormes qu’on retrouve parfaitement conservés.