On tire en cette ville beaucoup de sel de l’eau des puits, dont le roi obtient un grand profit. Il y a aussi un lac fort poissonneux, qui a bien cent milles de circonférence. Les hommes mangent la chair crue, mais préparée comme nous allons dire : premièrement ils la mortifient, et ensuite ils y mettent d’odoriférantes et excellentes huiles de diverses espèces très bonnes, et après cela ils la mangent.
En s’éloignant de la ville de Jaci on vient, après dix journées de chemin, au royaume dont la ville capitale s’appelle Caraiam (Tou-li-fou), et où commande Gogracam, fils de l’empereur Koubilaï. Tout le pays tire son nom de cette ville. Les rivières de ce pays-là produisent beaucoup d’or. On trouve aussi dans les marais et dans les montagnes de l’or, mais d’une autre espèce. Les habitants sont idolâtres. On trouve en ce pays-là de très grands serpents, dont il y en a de dix pas de long et gros de dix paumes. Leur tête est fort grosse ; ils ont de grands yeux et larges comme deux pains ; ils ont la gueule si grande qu’ils peuvent engloutir un homme d’un seul coup, quelque grand qu’il soit ; ils ont aussi de grandes dents bien aiguës qui leur sont d’un grand usage ; et il n’y a ni aucun homme ni aucun autre animal qui ose s’approcher ni même regarder ces serpents[1]. On les prend de cette manière : ce serpent a coutume de se retirer quelquefois dans des cavernes souterraines ou autres retraites dans les montagnes ; il sort pendant la nuit et va parcourir la demeure des autres animaux, cherchant à en faire sa
- ↑ Ces serpents, du genre boa, existent réellement, tels que les décrit Marco Polo. Les Chinois les nomment mai-theou-che ou serpents qui baissent la tête, parce qu’ils se tiennent ainsi en marchant. Ils atteignent jusqu’à quinze à vingt mètres de longueur. (Klaproth.)