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rées. Ce qui fait que les chemins y sont fort dangereux, surtout la nuit ; mais les marchands et autres voyageurs ont inventé un remède contre ces dangers. Il croît en ce pays-là de très grands roseaux de la longueur de quinze pas, et épais de trois paumes ; d’un nœud à l’autre il y a trois paumes de distance ; de sorte que quand les voyageurs veulent se reposer pendant la nuit, ils ramassent beaucoup de ces roseaux et y mettent le feu. D’abord qu’ils sentent le feu ils font de grands éclats ; et cela fait un si grand bruit qu’on le peut entendre de quelques milles : ce qui écarte les animaux, qui ont peur du bruit, et les empêche d’approcher. C’est ainsi que les voyageurs traversent en sûreté cette province. Les chevaux et autres bêtes de charge que les marchands mènent en voyage sont aussi épouvantés du cliquetis de ces roseaux ; et plusieurs ont échappé à leurs maîtres de la peur qu’ils ont eue et qui leur a fait prendre la fuite ; mais les plus avisés voyageurs leur lient les pieds de devant afin qu’ils ne puissent pas s’enfuir.

XXXVII
D’un autre pays de Tebeth.


Après vingt journées de chemin et après avoir traversé la province de Tebeth, on rencontre plusieurs villes et maisons de campagne dans une autre province, dont les habitants sont idolâtres et cruels, comptant pour rien de voler et de brigander. Ils vivent de la chasse et des fruits que la terre produit. On trouve aussi dans leur pays de ces animaux qui portent le musc, que l’on appelle « gadderi ». Les habitants vont à la chasse de ces animaux avec des chiens, ce qui fait qu’ils ont beaucoup de musc. Ils ont une langue et une monnaie particulières ; ils sont habillés des peaux de bêtes qu’ils prennent ou de grosse bure. Ce pays est de la dépendance de la province de Tebeth. Le terrain est montagneux ; il y a quelques endroits et quelques ri-