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présence, et lui parla ainsi : « Vous avez présentement appris par expérience combien votre puissance était peu de chose, puisque je vous ai fait prendre dans votre château, et que je vous ai fait vivre depuis deux ans avec les bêtes ; je pourrais à présent vous tuer, si je voulais, et personne des mortels ne peut vous tirer de mes mains. » À quoi le roi captif répondit : « Cela est vrai, il est ainsi. » Alors le grand Prêtre-Jean, lui dit : « Parce que vous vous êtes humilié devant moi, et que vous vous êtes regardé comme rien auprès de moi, je veux à l’avenir vous traiter en ami ; et je suis content d’avoir pu vous tuer si j’avais voulu. » Et alors il lui fit donner des chevaux et des domestiques pour le ramener à son château. Depuis ce temps-là il a porté honneur au grand Prêtre-Jean toute sa vie, et il a obéi à tous ses commandements.

XXXI
De la grande rivière appelée Caromoran, et du pays voisin.


À vingt milles du château de Chincui on trouve la rivière de Caromoran (ou fleuve Jaune) sur laquelle il n’y a point de pont, à cause qu’elle est trop large et trop profonde ; elle se décharge dans l’Océan. Il y a plusieurs villes bâties le long de cette rivière, dans lesquelles on exerce beaucoup de trafics. Ce pays abonde en gingembre, en soie et en oiseaux, surtout en faisans ; au delà de cette rivière, et après deux journées de chemin, on vient à la noble ville de Cianfu, où l’on fait de magnifiques étoffes de soie et d’or. Tous les habitants de ce pays-là et presque de toute la province de Cathay sont idolâtres.