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croissant de jour en jour et devenant plus forts, le roi Uncham commença à appréhender qu’ils ne se révoltassent contre lui. Pour empêcher leur trop grande puissance, il résolut de les séparer et de leur assigner différents pays pour se retirer. Mais les Tartares, ne voulant point se séparer, se retirèrent tous dans un désert du côté du septentrion, occupant un grand pays, dans lequel ils crurent qu’ils seraient en sûreté et ne craindraient plus leur roi, auquel ils refusèrent dès lors de payer tribut.

LII
Les Tartares élisent un roi d’entre eux, lequel fait la guerre au roi Uncham.


Quelques années après, les Tartares élurent un roi d’un consentement unanime : c’était un homme sage et prudent nommé Chinchis[1], et lui mirent la couronne sur la tête, l’an de Notre Seigneur 1187. Alors tous ceux de la nation accoururent de toute part, et promirent volontairement de lui rendre obéissance et soumission. Ce roi, qui, comme j’ai dit, était prudent, gouvernait sagement ses sujets, et en peu de temps soumit à son empire huit provinces. Et quand il prenait quelque ville ou quelque château, il défendait de tuer personne, ni de lui ôter son bien, lorsqu’on se soumettait de bon gré à sa domination ; ensuite il s’en servait pour soumettre d’autres villes. Cette humanité le fit aimer extrêmement de tout le monde, de sorte

  1. C’est le fameux conquérant Dchinghis-Khan (le Gengis-Khan de nos histoires), chef de la dynastie mongole qui régnait sur la Chine lors du voyage de Marco Polo. D’abord simple chef d’une bande de Mongols tributaire des Tartares, il se signala dès l’âge de quinze ans par un esprit aussi sagace qu’aventureux. Quand il mourut, en 1227, ses armes l’avaient rendu maître absolu de tout le territoire compris entre Pékin et la mer Caspienne.