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négoce et vivant des fruits que la terre produit. Les voyageurs se pourvoient en cette ville de provisions, quand ils veulent traverser ce grand désert dont nous avons parlé ; lequel ne peut se passer en moins de quarante jours. On ne trouve en ce désert aucune sorte d’herbe ni aucune habitation, si ce n’est quelques cabanes dans certaines montagnes et vallées, où quelques hommes se retirent pendant l’été. On trouve aussi en quelques endroits des bêtes sauvages, surtout des ânes, qui y sont en grand nombre. Au reste toutes les susdites provinces dépendent de la grande province de Tanguth.

LI
De la ville de Caracorum et de l’origine de la puissance des Tartares.


Après avoir passé le grand désert ci-dessus, on vient à la ville de Caracorum[1] du côté du septentrion, d’où les Tartares ont pris leur origine. Car ils ont premièrement habité dans les campagnes de ce pays-là, n’ayant encore ni villes ni villages, et campant seulement où ils trouvaient des pâturages et de l’eau pour nourrir leur bétail. Ils n’avaient point non plus de prince de leur nation ; mais ils étaient tributaires d’un certain grand roi nommé Uncham, que l’on appelle communément aujourd’hui le grand Prêtre Jean[2] ; mais s’ac-

  1. Caracorum, ancienne capitale du premier empire mongol. Cette ville n’existant plus, et aucun voyageur européen n’en ayant recherché les ruines, nos géographes sont fort empêchés de déterminer le point juste qu’elle occupait en Tartarie. On croit seulement savoir qu’elle était bâtie au pied des derniers versants méridionaux des monts Altaï, qui séparant la Chine de la Sibérie, par 102° ou 103° de longitude et 46° ou 48° de latitude, ce qui la placerait à environ trois cent cinquante lieues plus à l’ouest et de deux cents lieues plus au nord que Cambalu (Pékin), où Koubilaï-Khan tenait sa cour. C’est près de Caracorum que Mangu-Khan, prédécesseur de Koubilaï, reçut l’envoyé de saint Louis Rubruquis, qui a longuement décrit cette cité royale. — Voy. Rubruquis, chap. XXVIII et suivants.
  2. Prêtre-Jean, personnage sur le compte duquel au moyen âge furent débitées en Occident toutes sortes de fables, et qui fut en réalité un chef de la tribu des Kéraïtes, de race mongole. — Voy. le récit de Rubruquis, chap. XIX.