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faire sortir : car si quelque porte du logis se trouvait avoir été bâtie sous quelque influence maligne, ils disent qu’on ne doit pas s’en servir pour faire passer le corps, et ils en indiquent une autre, ou ils en font faire une autre. Or pendant qu’on fait le convoi par la ville, on dresse dans le chemin des échafauds, qui sont couverts d’étoffés d’or et de soie ; et quand le cadavre passe, ils répandent par terre d’excellent vin et des viandes exquises, s’imaginant que le mort s’en réjouit dans l’autre monde. Des concerts de musique et d’instruments précèdent le convoi ; et lorsqu’on est arrivé au lieu où le corps doit être brûlé, ils désignent et peignent sur des feuilles de papier diverses figures d’hommes et de femmes, et même de plusieurs pièces de monnaie ; toutes lesquelles choses sont brûlées avec le corps. Ils prétendent en cela que le mort aura en l’autre monde en réalité tout ce qui était peint sur ces papiers, et qu’il vivra avec cela heureux et honoré éternellement. La plupart des païens observent cette superstition en Orient, lorsqu’ils brûlent les corps de leurs morts.

XLVI
De la province de Camul.


Camul (Khamil) est une province renfermée dans la grande province de Tanguth ; elle est sujette du Grand Khan, comprenant plusieurs villes et villages. Camul est voisine de deux déserts, à savoir le grand, dont nous avons parlé ci-dessus, et un autre plus petit. Cette province abonde en tout ce que l’homme peut souhaiter pour la vie. Les habitants ont une langue particulière et semblent n’être nés que pour se donner du bon temps. Ils sont idolâtres et adorent les démons, qui les portent à cela. Quand quelque voyageur s’arrête pour loger dans quelque endroit, le maître de la maison le reçoit avec joie et ordonne à sa femme et toute sa famille d’en avoir bien soin, de lui obéir en tout et de ne le point mettre dehors tant qu’il voudra rester dans