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sieurs villes et villages, mais dont les murailles ne sont que de boue, mal construites, quoique assez fortes. Car il règne en ce pays-là de certains voleurs, qu’ils appellent Caraons, et qui ont un roi. Ces voleurs usent, dans leur brigandage, de certains enchantements. Quand ils vont faire leurs courses, ils font par leur art diabolique que le jour s’obscurcit pendant ce temps-là, en sorte que l’on ne peut pas les apercevoir ni parconséquent se précautionner, et ils peuvent faire durer cette obscurité six ou sept jours, pendant lequel temps ils battent la campagne, au nombre quelquefois de dix mille hommes. Ils campent comme les gens de guerre, et lorsqu’ils sont dispersés, voici comment ils font : ils prennent tout ce qu’ils rencontrent, bêtes et gens ; ils vendent les jeunes hommes et tuent les vieux. Moi Marco, qui écris ces choses, je suis une fois tombé à leur rencontre ; heureusement que je n’étais pas loin d’un château appelé Canosalim, où je n’eus que le temps de me sauver ; cependant plusieurs de ma suite tombèrent dans ce piège diabolique, et furent partie vendus et partie tués[1].

XXIII
De la ville de Cormos.


Cette plaine dont nous venons de parler s’étend au midi d’environ cinq milles ; il y a au bout un chemin par où l’on est obligé d’aller toujours en descendant. Ce chemin est très méchant et rempli de voleurs et de dangers. Enfin l’on arrive dans de belles campagnes, qui s’étendent de la longueur de deux milles. Ce terroir abonde en ruisseaux et en palmiers. Il y a aussi quantité de toutes sortes d’oiseaux, mais surtout de perroquets, que l’on ne voit pas le long de la mer. De

  1. D’après les commentateurs, il faudrait voir dans ces brigands, qui devaient sans doute à leur extrême cruauté les légendes répandues à leur sujet, de nombreuses tribus venues du nord de la Chine et qui pendant plusieurs siècles ravagèrent tantôt une région, tantôt l’autre. (P.)