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mari, le Khan l’envoya vers son évêque, qui était pour lors résidant au Cathay, pour être son juge, quoiqu’il ne fût coupable de rien.

Environ ce même temps, il arriva qu’une des principales femmes de Mangu-Khan mit au monde un fils, et aussitôt les devins furent appelés pour prédire ce qui arriverait à l’enfant ; ils lui promirent tous une fort longue vie et beaucoup de prospérités, et qu’il serait un très grand monarque ; mais peu de jours après l’enfant vint à mourir ; la mère désespérée fit venir les devins et leur reprocha leur fausse prédiction ; mais ils lui donnèrent à entendre pour excuse que cela venait de cette sorcière la nourrice de Chirina, qui avait été exécutée à mort peu de jours auparavant ; qu’elle avait fait mourir cet enfant par ses sortilèges, et qu’ils avaient fort bien vu comme cette magicienne l’emportait avec elle.

Cette pauvre femme avait laissé un fils et une fille déjà grands dans les tentes ; lors cette dame, devenue furieuse par ces paroles, commanda aussitôt, ne se pouvant plus venger sur la mère, que le jeune homme son fils fût mis à mort par un homme et la fille par une femme, en vengeance de la mort de son fils, que les devins assuraient avoir été tué par leur mère. Un peu de temps après cela, Mangu-Khan vint à songer une nuit de ces enfants de la nourrice, qu’on avait ainsi fait mourir ; le lendemain il demanda ce que l’on en avait fait ; mais ses serviteurs ne lui en osèrent rien dire. Il insista, demandant plus instamment ce qu’ils étaient devenus, d’autant qu’il les avait vus en songe la nuit d’auparavant. Enfin on lui en dit la vérité ; sur quoi, plein de colère et d’indignation, il fit venir sa femme, lui reprochant comment elle avait eu l’audace de donner sentence de mort sans le consentement et permission de son mari ; et en même temps la fit enfermer dans un cachot pendant sept jours durant, sans lui faire donner à boire ni à manger pendant ce temps-là ; et pour celui qui avait exécuté le jeune homme il lui fit couper la tête, ordonnant que cette tête serait