Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trouvait quelque chose d’attaché, de l’en arracher aussitôt. Ce que l’autre fit et y trouva une petite pièce de drap ou feutre, qu’ils lui firent jeter contre terre ; et soudain cela commença à faire bruit et ramper, comme si c’eût été quelque chose de vivant ; puis l’ayant mis dans de l’eau, cela se changea aussitôt en forme de sangsue ; sur cela ils prononcèrent hardiment que cette dame avait été ensorcelée et que cela venait du fait de cette autre femme qui avait découvert leur larcin, qu’ils accusèrent d’être sorcière ; de sorte que, sur un faux rapport, cette pauvre femme fut menée hors les tentes, et là sept jours durant battue et tourmentée en diverses sortes pour lui faire avouer le crime qu’on lui imputait.

Pendant cela la dame mourut, et cette femme l’ayant su, elle supplia qu’on la fît mourir aussi, afin de pouvoir accompagner sa maîtresse, à qui elle protestait n’avoir jamais fait ni procuré aucun mal ni déplaisir, et ne confessa jamais autre chose. Ce que Mangu-Khan ayant entendu, il commanda que l’on la laissât vivre. Ces méchants sorciers, voyant qu’ils ne pouvaient venir à bout de leur dessein, accusèrent encore la nourrice de la fille de cette dame chrétienne dont j’ai parlé, et de qui le mari était un des principaux prêtres entre les nestoriens. On mena donc cette pauvre femme avec une de ses servantes au lieu de l’exécution pour en tirer la vérité ; la servante confessait bien que sa maîtresse l’avait envoyée un jour parler à un cheval pour avoir réponse de quelque chose, et la nourrice même avouait aussi qu’elle avait donné quelque charme à sa maîtresse pour gagner ses bonnes grâces, mais qu’elle n’avait rien fait qui lui pût porter dommage ni préjudice. Étant aussi interrogée si son mari ne savait rien de tout cela, elle répondit que non, et qu’elle était soigneuse de brûler tous les caractères et billets dont elle usait, afin qu’il n’en pût découvrir rien. Elle fut condamnée à mort et exécutée[1] ; et pour le prêtre son

  1. On croirait assister à un procès de sorcellerie en plein Occident au moyen âge.