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sont aux confins vers l’occident des terres de Pascatir, qui est la grande Hongrie, dont j’ai parlé ci-dessus. Les limites de ce pays du côté du septentrion sont inconnues à cause de l’extrême froid et des grands monceaux de neige qu’on y trouve[1]. Toutes ces nations, encore que pauvres et chétives, sont toutefois contraintes de servir en quelque métier aux Moals, suivant le commandement de Cingis, que nul ne fût exempt de servir en quelque chose, jusqu’à ce que le grand âge les empêchât de pouvoir travailler.

Un jour je fus accosté par un certain prêtre du Cathay, vêtu de rouge, et lui ayant demandé d’où venait la belle couleur qu’il portait, il me dit qu’aux parties orientales du Cathay il y avait de grands rochers creux, où se retiraient certaines créatures qui avaient en toutes choses la forme et les façons des hommes, sinon qu’elles ne pouvaient plier les genoux, mais elles marchaient çà et là, et allaient, je ne sais comment, en sautant ; qu’ils n’étaient pas plus hauts qu’une coudée et tous couverts de poil, habitant dans des cavernes dont personne ne pouvait approcher ; que ceux qui vont pour les prendre portent des boissons les plus fortes et enivrantes qu’ils peuvent trouver ; font des trous dans les rochers en façon de coupes ou bassins, où ils en versent pour les attirer. Car au Cathay il ne se trouvait point encore de vin, mais aujourd’hui ils commencent à y planter des vignes, et font leur ordinaire d’une boisson de riz.

Ces chasseurs donc demeurant cachés, ces animaux ne voyant personne sortaient de leurs trous et venaient tous ensemble goûter de ce breuvage, en criant Chin-Chin (dont on leur a donné le nom de Chin-Chin) et en devenaient si ivres qu’ils s’endormaient ; les chasseurs survenant là-dessus les attachaient pieds et mains ensemble, leur tirant trois ou quatre gouttes de sang de dessous la gorge, puis les laissaient aller. C’est

  1. Il s’agit évidemment ici de la Sibérie. — Voy. Marco Polo, liv. III, chap. xlvii et suiv..