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dehors : ce que nous reçûmes avec grands remerciements ; il nous fut aussi demandé de sa part comment nous étions pourvus du manger ; à quoi je répondis que peu de vivres nous suffiraient, pourvu que nous eussions un logis où nous puissions prier en repos pour Mangu-Khan ; que le nôtre était si petit que nous ne pouvions presque pas y demeurer debout, et aussitôt que nous faisions un peu de feu nous ne pouvions lire dans nos livres à cause de la fumée. Cela étant rapporté à Mangu, il envoya savoir du moine si notre compagnie lui serait agréable ; à quoi il répondit gaiement que oui.

Depuis cela nous fûmes toujours mieux logés, demeurant avec lui proche de la cour, en un lieu où personne ne logeait que nous. Les devins avaient leurs logements plus près, devant le palais de la plus grande dame et nous à côté vers l’occident, vis-à-vis du palais de la dernière femme. Vint le jour de devant l’octave de l’Épiphanie. Sur le matin, le jour même de l’octave, tous les prêtres nestoriens s’assemblèrent en leur chapelle, où ils chantèrent solennellement matines, puis se revêtirent de leurs ornements et préparèrent l’encensoir avec l’encens. Comme ils attendaient ainsi sur le matin, la principale femme de Mangu, nommée Cotota Caten (Cotota était son nom propre, et Caten c’est à dire dame), vint en la chapelle avec plusieurs autres dames, son fils aîné, nommé Baltou, et plusieurs autres petits enfants nés d’elle. Ils se couchèrent tous touchant du front la terre, à la mode des nestoriens ; ils touchaient les images avec la main droite qu’ils baisaient après ; ils touchèrent aussi les mains de tous ceux qui étaient présents, ainsi que font les nestoriens quand ils entrent en l’église.

Pendant que nous nous en allions à notre logis, Mangu-Khan vint lui-même à cette église, où on lui apporta un lit doré, sur lequel il s’assit avec la reine sa femme vis-à-vis de l’autel ; alors on nous envoya quérir, ne sachant pas que le Khan y fût allé. À l’entrée l’huissier nous fouilla partout de peur que nous n’eussions quelque couteau caché ; mais je ne portais en