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bien peu ont cognoiſſance de la ſublimité & puiſſance ſouveraine du Createur, duquel telles merveilles procedent. Encores que pour guerir ceſte maladie leur ſoyent par providence divine propoſees (comme medicine ſinguliere) des diſciplines mathematiques par le moyen deſquelles il est loyſible à l’homme non ſeullement vaguer & cheminer en eſperit & cogitation par tous les endroictz du ciel (choſe auparavant à luy impoſſible) mais auſſi tournoyer & circuyr des yeux toute la circonference de la terre, & amplitude des mers, en ſorte qu’il ne reste lieu qui ne luy ſoit ouvert & acceſſible. Ce qui a eſté cauſe que pour avoir cognoiſſance des choſes admirables de ce monde, aucuns ſe ſont adonnez avec ung labeur infatigable à la lecture des autheurs qui en ont deſcript, veoir & entendre la Coſmographie, & la practique d’icelle ſur les chartes & globes geometriques, ou figures chorographiques, dont ilz ont tiré quelque contentement à leur eſperit. Les autres adjouſtans plus de foy à la vive voix, ont trop mieux aymé s’en enquerir aux eſtrangers & ceulx qui avoient faict longues peregrinations, pour apprendre d’eulx ce que occulairement ilz avoient veu & deſcouvert, que par les livres eſquelz le pluſſouvent on entremeſle avec la verité pluſieurs choſes fabuleuſes. Mais encores y en a eu d’autres, auſquelz ne la lecture des livres, ne le rapport des eſtrangers n’ont eſté ſuffiſans pour eſtaindre leur ſoif, que pluſtoſt l’augmentoyent. Tellement que faiſans peu de compte de laiſſer & abandonner leur pays, leurs parens, femmes, enfans, voire un lieu de repos & tranquilité (qui ſont de grandes conſiderations à un homme de ſain jugement) ſe ſont bien vouluz ſoubzmettre à infiniz perilz & dangers, non ſeulement de leurs biens, mais de leur propre vie, pour