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quelles s’exercent plusieurs traffiques de marchandise & de beaux ouvrages ingenieux. Or la ville de Cingingui est grande & opulente, tant en richesses que toutes sortes de vivres. Quand Baiam chef de l’armée des Tartares estoit a la poursuite & conqueste de la province de Mangi, il envoya quelques bandes de Chrestiens qu’on appelle Alains, pour assieger ceste ville de Cingingui, lesquelz apres l’avoir sommée de se rendre la presserent & assaillirent si vifvement que les citoyens d’icelle furent contrainctz de se rendre librement. Eulx donques entrez dedans la ville ne blecerent & ne firent oultrage ne desplaisir a aucun des habitans, au moyen de ce que de leur bon vouloir & sans contraincte, ilz s’estoient renduz a l’obeissance du grand Cham. Toutesfois ayans trouvé dedans la ville de fort bon & excellent vin, & en grande quantité, ilz en beurent si largement qu’ilz en furent tous enyvrez : au moyen dequoy la nuict ensuyvant pressez & chargez de sommeil ne tindrent compte d’asseoir ne faire aucun guet. Ce que voyans les citoyens de la ville qui au paravant les avoient receuz pacifiquement, prenans occasion d’executer leur mauvais vouloir, se ruerent sur eulx ainsi endormiz, & les tuerent tous, sans qu’aucun d’eulx se peult sauver ne evader. Toutesfois Baiam depuis adverty de ceste insolence & infidelité envoya une autre grosse armée contre les habitans de Cingingui, qui en peu de temps l’emporterent d’assault, & prindrent telle vengeance de leur trahison & infidelité, qu’ilz les mirent tous a mort sans aucun excepter.