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ject au grand Cham, il n’oseroit en tout l’empire mettre ne employer autre monnoye : en sorte que bien souvent les marchandz venans de pays loingtain & regions estranges, en la ville de Cambalu, combien qu’ilz ayent grande quantité d’or, d’argent, perles, & autres pierreries, sont contrainctz neantmoins les bailler, & prendre pour iceulx en payement de la monnoye dessusdicte. Et pour autant qu’ilz n’en pourroient faire leur proffit en leur pays, quand ilz s’en veullent retourner, sont encore contrainctz la changer ou en achepter de la marchandise, qu’ilz emportent avec eulx en leur pays : mesmes quelquefois l’Empereur mande aux habitans de Cambalu que ceulx qui ont de l’or, de l’argent ou pierres precieuses, qu’ilz ayent incontinent a les porter & bailler a ses officiers, pour en avoir & retirer d’eulx de la monnoye Imperialle jusques a la concurrence de la valeur & estimation d’icelles. Par ces moyens advient que les bourgeois & marchandz ne souffrent aucune perte de dommaige, & neantmoins l’Empereur tire a soy tout l’or & l’argent de son pays, qui luy cause un tresor inestimable. De celle mesmes monnoye il paye les gaiges de ses officiers, la soulte de ses gensdarmes & soldatz, & pour toutes choses qu’il a besoing pour sa court, il n’employe que ceste monnoye. Veu donc que de neant & matiere vile il faict monnoyer si grande quantité de pecune, par le moyen de laquelle il retire une infinité d’or & d’argent de ses pays terres & seigneuries, & oultre n’employe autre chose pour les provisions de sa court, payement d’offi-