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l’esprit, l’éclat d’une beauté parfaite : le farouche conventionnel redevient homme, il est sensible à la pitié, il est subjugué, il jure d’affranchir la France de la faux de la mort, frappant de toutes parts sans relâche. Le 9 thermidor luit, il se dévoue, il précipite sur l’échafaud les premiers auteurs des massacres : la Convention et la France se proclament libres. Tallien est la cause première de ce bienfait ; son pouvoir et sa considération sont immenses ; son nom retentit jusque dans les plus petites chaumières, comme celui du libérateur de la patrie ; dans toute l’Europe, comme ayant réconcilié son pays avec la civilisation. Son bonheur particulier n’est pas moins grand ; celle qu’il aimait, celle pour laquelle il avait exposé sa vie, celle que chacun lui enviait, s’unit à son sort en lui apportant en dot une fortune colossale. Tous ses vœux semblaient remplis : était-il un mortel plus heureux ? Mais en peu de temps son crédit s’use ; il n’est plus l’idole du peuple, il n’est plus qu’un simple législateur influant pour un sept cent cinquantième sur les destinées publiques ; sa femme l’abandonne : avec elle l’opulence fuit de sa maison ; il devient pauvre, chagrin, morose ; il est délaissé de ceux-là même qu’il protégeait naguère ; il obtient avec peine les plus chétifs emplois ; honteux de sa nullité présente et de sa fortune passée, son humeur s’aigrit :