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Des guerriers d’un rang moins élevé reposent auprès de ces généraux sur lesquels l’œil de l’Europe demeura long-temps fixé. Que vois-je à leur suite ? une aire dépavé recouvrant sans doute un homme sans renom, sans fortune, qui passa sans bruit dans le monde, et s’abîma dans la terre sans laisser de mémoire ? Grande est l’erreur, me dit un passant : ce tombeau est celui de Caron de Beaumarchais. Né très-plébéien, il mourut dans le palais qu’il se fit bâtir ; il commença sa fortune avec quarante sous, et avança aux insurgens des États-Unis d’Amérique quarante millions. Sa plume, d’une mordante ironie, fit crouler, par ses mémoires contre le conseiller Goësmann, le parlement éphémère sorti du génie despotique du chancelier Maupeou ; son humeur caustique et maligne produisit le Barbier de Séville et Figaro. Personne n’eut plus de soin de se rendre célèbre en son vivant ; il est mort maintenant, depuis vingt-neuf ans bien comptés. Il fut d’abord enterré dans le tombeau que lui-même s’était fait faire dans son jardin, pour ne jamais en sortir ; sa maison a été démolie ; il fut arraché de son sépulcre, et transporté dans ce réduit ; il y est délaissé même de sa famille. Combien les soins des humains sont futiles !

Sur le bord du plateau s’élèvent, dans une même enceinte, deux cippes de marbre noir.