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Tout se montrait horrible dans nos vieux cimetières : c’étaient des lieux étroits, hideux, fétides, où le soleil luisait à peine ; on enterrait les restes du pauvre, par centaine, dans leurs fosses larges et profondes, demeurant ouvertes durant des mois entiers. Des milliers d’ossemens arrachés du sein de la terre, avant d être réduits en poussière, augmentaient l’horreur de ces réduits affreux, où le pauvre osait à peine poser le pied durant l’instant de l’enterrement des personnes les plus chères, où le riche appréhendait de porter un regard. Tous les liens du sang, les nœuds sacrés de la sainte amitié se brisaient dès l’instant du trépas : nul commerce n’existait entre les vivans et les morts. La classe intermédiaire de la société ne possédait pas de plus grands avantages. La dépouille de l’opulence, conduite en pompe dans les caveaux des églises, gisait pour la plupart dans leur obscurité, en des lieux parfaitement ignorés de leurs proches. Si quelques privilégiés obtenaient au poids de l’or de posséder des caveaux particuliers avec une épitaphe, bientôt elle disparaissait sous les pas de la multitude, foulant sans respect sous ses pieds la cendre de ses parens, les ossemens de ses aïeux, les entrailles à peine refroidies de ses amis et de ses bienfaiteurs. Quelques person-