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étaient contraints de porter leur deuil durant au moins une année[1]. Maintenant quelle anarchie dans ce lieu funéraire ! Le duc et pair se trouve auprès d’un bourgeois, le marquis est voisin d’un financier, l’homme du peuple se targue de ses talens, le noble de race ose à peine faire graver tous ses titres pour conserver à sa lignée un témoin des prérogatives de son sang, le prolétaire y est admis avec les princes. Tout est perdu depuis que l’étiquette, dans toute sa sévérité, ne conserve plus la distance respectueuse à laquelle doivent se tenir, en tout État bien réglé, les rangs de la société. Quoi, je verrai ici un lampiste figurer entre deux maréchaux de France, et je ne crierai pas à l’abomination de la désolation ! J’y verrai un duc et pair de la plus noble race posséder une tombe des plus grossières, et près de lui un loueur de voitures de place, un maître d’ignobles fiacres, se faire ériger un superbe monument de marbre ! J’y verrai un cardinal de la sainte Église romaine non loin d’un comédien, non loin de ministres de la religion pré-

  1. Les seigneurs des paroisses et leurs patrons avaient le droit, lors de leur décès, de faire peindre, soit intérieurement, soit extérieurement, sur les murs des paroisses de leurs domaines, une ceinture de deuil : c’était une bande noire de deux pieds de largeur, chargée des écussons de leurs armoiries, à laquelle on donnait alors le nom de litre.