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tenant. Il renferme les restes[1] d’Héloise et d’Abélard, morts dans le xiie siècle, personnages fameux dans leur âge par leur génie, par leurs amours, par les malheurs dont leur existence fut abreuvée, par les tourmens dont leurs cœurs furent navrés pendant une longue vie ; maintenant encore fameux par leurs lettres, dont la poésie de Pope peignit à peine l’ardente flamme, dont Colardeau transmit moins encore le tendre feu. Cependant quels furent leurs regrets de s’être tant aimés ! Héloïse, considérant d’avance les sentimens produits par le seul aspect de leurs cendres, écrivait elle-même à l’amant qu’elle se reprochait alors :

O mort ! puissante mort ! quelle est ton éloquence !
Quelles hautes leçons profère ton silence !
Homme ! regarde un corps livide, inanimé,
Une cendre ! Et voilà cet objet tant aimé !
O faiblesse ! ô néant des passions humaines !
Un jour tu me suivras au ténébreux domaine.

  1. Les ossemens d’Abélard, transportés, du Paraclet d’abord à Nogent-sur-Seine, et remis à M. Alexandre Lenoir, suivant un procès-verbal dressé le 23 avril 1800 par M. le sous-préfet de Nogent, consistaient en des portions de fémur et de tibia, des côtes, des vertèbres, une grande partie du crâne et de la mâchoire inférieure. Ceux d’Héloïse se composaient de la tête complète, la mâchoire inférieure en deux parties, les ossemens des cuisses, des bras, des jambes tout entiers. Un procès-verbal du commissaire de police Sobry constate le transport et le placement de ces restes dans le tombeau érigé maintenant dans le cimetière du P. La Chaise.