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LE SPORT VERSUS L’ESPRIT

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N’est-il pas vrai que les bicyclistes abusent un peu de la liberté qu’ils ont de se suicider et d’assassiner les autres ? Le temps est peut-être arrivé de faire des lois de la bicyclette comme on en fit pour le duel et de réglementer le nouvel art de tuer.

Que ne va-t-on à la guerre si l’on est fatigué de l’existence, ou si l’on est tourmenté par l’instinct féroce du meurtre ?

Je propose qu’on enrôle tous les vélomanes et qu’on les envoie à Cuba, pour rendre la circulation des rues aux citoyens animés d’intentions honnêtes. Il y a beau temps que ceux-ci n’ont pas eu leur tour et vraiment la majorité pacifique des piétons a droit à une petite vacance qui favoriserait la guérison des névroses contractées dans la traversée périlleuse de nos chaussées.

Il serait ridicule d’entretenir un espoir trop optimiste et d’attendre qu’ils soient tous morts pour faire notre heure. Les cyclomanes ressemblent à cette espèce d’insectes malfaisants qui sont trois fois aïeul en douze heures. Pour un qui se massacre il en naît dix ; et les chances de suivre des gens fidèles au moyen de locomotion naturelle, deviennent de plus en plus rares.

De fait, on ne peut aller une fois en ville sans être le témoin d’accidents plus ou moins graves : frictions spontanées, rencontres impromptues dans lesquelles les deux parties contractantes, bourreau et victime sont également maltraitées. C’est une mince consolation. Vraiment, ceux qui marchent debout devraient avoir quelque répit !