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LE CELIBAT

blic comme cela se pratiquait dans les âges reculés, au temps des civilisations idéales.

Commençons cependant par user de raisonnement.

La grande raison des révoltés de la loi naturelle, ou plutôt leur prétexte pour s’affranchir des liens du mariage, c’est leur liberté.

Ils la chérissent de toute la force de leur égoïsme, lui sacrifient gaîment leur avenir et ne s’avisent pas qu’ils adorent une chimère, qu’ils embrassent un mythe.

Quelques-uns mettent une sorte d’honnêteté à ne se vouloir pas lier parce qu’ils se méfient de leur constance et que la tranquille stabilité de l’état conjugal effarouche leur vieux papillon de cœur ; ils le voient par avance, s’ébattant éperduement dans un espace circonscrit, dans un ciel tout bleu, trop pur, trop serein… Le vertige leur en prend !

L’idée de rentrer toujours à la même heure dans la même maison, de trouver inévitablement l’invariable compagne que leur imagination énervée leur représente coiffée en bandeaux ; la perspective du baiser sur son chaste front, de l’éternelle tête-à-tête, des dîners paisibles, des promenades oisives, mesurées sur un petit pas calme sans autre but que la rentrée chez soi avec cette personne convenable accrochée au bras, tout, jusqu’à cet air de mari domestiqué, fait au joug ; l’impossibilité même de secouer ce joug ni de l’essayer seulement sans provoquer les fameuses scènes — épouvantail vaguement entrevu dans la vie des amis mariés — ; tout cela avec la pensée survenant en dernier lieu, comme pour combler la mesure, des enfants braillards qu’il faut bercer, promener, traîner en voyage, les affole littéralement et leur fait rejeter bien loin toute velléité de réforme.

Combien plus douce leur semble la tyrannie de leurs chères habitudes.

Sans appuyer sur leur éclectisme en fait de relations