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générale, il n’y en avait pas un qui n’y allât de ses plus belles notes dans l’unisson du « Ça bergers ».

Et le Réveillon !… Les savoureuses victuailles en étaient toutes pimentées comme un arrière-goût de fruit défendu. Il circulait autour de la table avec le café fumant et les vins généreux, une belle humeur fringante, le montant d’une joie émancipée.


Mais mes enfants, c’était le Jour de l’An qu’il fallait voir nos pères, et nous aussi, parbleu, suivant gaillardement leurs pas.

La grande affaire après les matinales effusions de famille, c’était la visite aux dames.

Les plus gras barbons donnaient à leur paletot un suprême coup de brosse qui renchérissait sur les précautions de la ménagère, lissaient d’une main soigneuse leur bonnet de fourrure et relevaient avec préméditation les bouts de leur moustache. Car, les prétextes d’embrasser les cousines les plus jolies et les plus éloignées se multipliaient en ce jour d’immunités providentielles. Pour lors, le père de famille, flanqué de ses fils, partait en tournée chez les amies.

Nulle tempête ne les arrêtait. Le ciel pouvait verser ses avalanches sur les épaules des galants pèlerins, ils n’en arrivaient que plus joyeux dans les salons où les attendaient un grand feu, un sympathique accueil et le plateau garni des petites coupes de fin cristal taillé où scintillent l’opale, le rubis, l’ambre et le grenat des « cordiaux », créés à leur intention par l’art de l’hôtesse.

Sur le plateau, la croquignole poudrée, enlaçant ses anneaux d’or accompagnait toujours les verres mignons dans lesquels on buvait à « la santé », au « mariage », à la « longue vie » de ces dames, quelques gout-