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FAUT-IL LIRE

l’état de serviteur de l’étranger, qu’on change l’air libre du champ natal pour l’emprisonnement du tenement des villes manufacturières des States ?

Est-ce pour trouver loin de la patrie, plus de loisirs, plus de jouissances, plus de fortune et moins de travail ?

Non ; pas plus que le Canada, la grande République n’est un pays de Cocagne pour les paresseux. La lutte pour la vie, au contraire, est plus rude, plus féroce j’oserais dire, de l’autre côté de la frontière que partout ailleurs.

Encore une fois, quelle est donc la raison qui fait préférer l’esclavage de l’usine américaine à la fière existence du citoyen canadien ?

C’est qu’on s’obstine à ne pas vouloir rester dans la barque en laquelle le Bon Dieu nous a mis.

Dans notre beau et riche pays la Providence a manifestement voulu qu’on exploitât les ressources du sol. La fertilité de nos vallées, l’abondance de nos inépuisables forêts fatigueraient les bras de bien d’autres nations.

Si le Canadien obéissait au commandement de Dieu qui le destine à la plus noble, à la plus libre de toutes les professions, l’agriculture, il n’y aurait pas de race plus heureuse et plus prospère que la nôtre. L’habitant dans nos campagnes, plus indépendant qu’un roi, mangerait un pain qu’il ne doit qu’à lui-même ; son pied ne foulerait, son œil n’embrasserait qu’un domaine dont il est le maître et le toit sous lequel il vieillit, après avoir abrité ses ancêtres, conserverait encore son souvenir à la génération de ses enfants.

Les douces mœurs d’autrefois refleuriraient et notre race reviendrait à son antique vaillance. Au lieu d’être de mauvais yankees ou des Anglais inférieurs, nous serions de vrais Canadiens, fiers de notre origine et loyaux au drapeau libéral qui nous abrite.

Disons donc à nos filles que rien n’est plus noble que d’être une bonne fermière.