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LE FÉMINISME

personne ne tient à les convertir. Pour mieux combattre le fléau, ils emploient et le sarcasme, et la foudre, deux armes trop opposées pour que leur alliance hybride cause grand ravage. D’ailleurs, ces gens-là ne sont pas convaincus. À leurs heures ils sont d’acharnés féministes ; j’en connais parmi eux qui exigent une singulière investiture de la femme, devant laquelle ils s’inclinent. Il faut qu’elle ait eu des relations avec le diable, comme la pseudo Diana Vaughan.[1] La condition est dure. Tout cela n’empêche pas que dans les difficultés et les dangers de notre époque critique, on se tourne de plus en plus vers la femme pour lui demander aide et conseil.

M. Brunetière — l’un des premiers critiques de France, écrivain dont le nom est universellement respecté — parle de « refaire l’éducation de la femme, parce que, à titre de mères, les femmes sont avant tout, les éducatrices de la génération future. » Après avoir remarqué en passant que si les « pédantes » sont insupportables, les sottes n’en sont pas pour cela d’un plus agréable commerce, il conclut ainsi : « Quand on voudra vraiment réformer nos lycées de garçons, il faudra commencer par réformer nos lycées de filles. »

La France a souvent été représentée comme l’un des pays les plus opposés à l’émancipation du sexe faible, et pourtant, je connais un bien vieux féministe français :

Le bonhomme Montaigne disait, il y a trois cents ans : « Il est ridicule et injuste que l’oisiveté de nos femmes soit entretenue de notre sueur et de notre travail. »

La France nous offre tous les jours le spectacle d’hommes illustres se ralliant, pour des motifs plus élevés, au mouvement féministe.

  1. Allusion à un journaliste québécois fervent adepte de la pseudo Diana Vaughan et, en même temps, antiféminisme acharné.