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LE FÉMINISME

rites… et, du temps qui ne revient plus… Ils nous font réaliser la « fuite formidable des instants, ce glissement de l’heure », comme dit Maupassant, « cette course imperceptible, affolante quand on y songe, ce défilé infini des petites secondes pressées qui grignotent le corps et la vie des hommes. » Si bien que leurs scrupules nous gagnent à la fin et qu’on ne se sent pas la conscience en paix le soir — malgré les encouragements de quelques-uns — si, tout le jour, on n’a rien fait que de se laisser vivre. On en arrive même, le croirait-on ? à n’oser plus s’ennuyer !

S’ennuyer, Mesdames ! J’admets avec vous que voilà un mot ridicule. Si l’on n’a pas fait de l’ennui un péché capital, c’est qu’on devait le réserver pour la punition des ignorants et des égoïstes.

Au fait, y a-t-il des femmes oisives ou des femmes fort occupées, si l’on veut, à ne rien faire d’utile ? Soyons franches, Mesdames ; admettons que l’Américaine, et surtout la Canadienne — dans la société aisée — est une reine à laquelle on ne demande rien ; que l’on décharge presque complètement du soin d’élever ses enfants. C’est à ces riches que le Féminisme réclame les miettes de leur table, — quand leur famille a été largement servie, — c’est cette menue monnaie des minutes et des heures perdues par les mondaines, qu’il recueille pour en former un capital profitable aux malheureux.

Un grand nombre répond à son appel ; c’est pourquoi l’on voit des maisons comme celle qui nous abrite en ce moment, si prospères. Mais nous sommes encore une immense majorité en dehors de ces œuvres admirables. Or justement mille besoins réclament dans notre société, des dévouements nouveaux. Quand je dis : « nouveaux », je voudrais être bien comprise.

Ce qualificatif n’a rien d’agressif. La nouveauté ici est synonyme de « progrès », et le progrès est la seule route qui mène à la perfection. Le Féminisme ne doit