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signes de lassitude ou d’impatience de ceux qu’on est venu réconforter. Malgré le goût que peut témoigner d’abord le malade pour causer, il faut éviter de donner à la conversation trop d’entrain. C’est aux parents qui veillent dans la chambre ou à la garde qu’on adresse les questions témoignant d’un intérêt sympathique. On fera preuve de délicatesse en abaissant la voix auprès du lit d’un malade. Il faut se rappeler que pour les personnes affaiblies et énervées par la douleur tout est effort : parler, écouter, entendre même. Dans certains cas, un simple son, un mouvement brusque blessent une sensibilité exaspérée par la souffrance.

Il y a une étude à faire des sujets qu’on peut traiter dans ces visites de sympathie. Le bon sens dit qu’on ne doit pas entretenir de choses pénibles un malheureux que les afflictions corporelles inclinent déjà à voir tout en noir. Nous avons pourtant vu des dames charitables qui, visitant les victimes d’une épidémie, colportaient de malade en malade la liste des morts.

Une précaution dictée par un cœur délicat consiste à ne pas faire davantage un trop grand déploiement de gaîté, de façon que l’amie retenue prisonnière par la maladie ne voie pas sa tristesse augmentée du spectacle de plaisirs qu’elle ne peut partager et de la pensée un peu égoïste, mais bien naturelle, que sa disparition n’a rien changé dans les joyeuses habitudes de son cercle mondain.

On comprend qu’il serait des plus indiscrets d’insister pour voir un malade dont la famille a défendu la porte. On voit des gens bien intentionnés qui, dans la crainte de paraître indifférents, se font une espèce de violence pour aller porter de vive voix leurs condoléances. Il est si simple d’envoyer demander des nouvelles, de passer soi-même chez l’affligé, d’y laisser sa carte ou son nom en s’informant de l’état de celui de celle qu’on craint de fatiguer.

La charité bien entendue doit être discrète.