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la population de sa ville natale, ils laissent tomber leurs bras, s’abandonnent avec éclat à un accès d’indignation et prennent bien vite leur parti d’une ignorance aussi profonde — ou, si l’on veut, d’une science aussi peu pratique. Faire comprendre à la jeune fille que — pour le cas où elle a profité de ses premières années d’études — elle ne possède que les bases d’une instruction solide ; lui indiquer les livres qu’il faut lire, lui imposer certains travaux intellectuels, et tenir la main à ce qu’elle les exécute, ils ne l’essaient même pas. Leur sacrifice est fait, et pas à demi. Cette gentille personne qu’ils se flattaient de voir un jour briller parmi les plus habiles et faire honneur à leur nom, ils se résignent en un instant à la laisser devenir une de ces poupées mondaines, insignifiantes et frivoles, un objet de luxe dont ils ornent — à grands frais — leur salon. Ils ne songeront plus à lui choisir une société intelligente, à attirer chez eux, à inviter à leur table des esprits cultivés dont la compagnie lui serait profitable. Bien au contraire.

S’il leur survient un ami qui soit un homme sérieux, ou quelque visiteur distingué, il semble entendu qu’on épuise les banalités devant les dames et qu’on s’enferme ensuite, qu’on se dérobe derrière une fumée offensive pour échanger des idées dont elles auraient pu retirer quelqu’avantage. Si les papas dont nous parlons ont de la fortune ils tenteront peut-être maladroitement un dernier effort et feront voyager leur gracieuse ignare. Après l’entraînement qu’on a vu, cette tentative désespérée ramènera la jeune demoiselle mille fois plus élégante, proportionnellement prétentieuse avec en plus, des notions abracadabrantes et des plus comiques sur les beautés artistiques de l’Europe.

Les voyages pour des sujets mieux préparés produisent cependant les plus heureux effets.

Quelques parents disent :

— C’est singulier, nous ne refusons rien à nos enfants, nous ne sommes préoccupés que de leur bonheur ;