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LES ENFANTS GÂTÉS

pas de dangers immédiats, quand, au contraire, elles devraient ne manquer aucune occasion de les familiariser avec la nécessité du renoncement, et prendre bien partie de ne leur laisser contracter la démoralisante habitude des satisfactions faciles. La vie, qui n’a pas que des roses, punit sans les corriger, ceux qu’on a accoutumés à ne rechercher exclusivement que le plaisir. On en a la preuve dans le fait que les enfants élevés de cette façon ne sont pas plus heureux que les autres ; on pourrait même dire avec vérité qu’ils le sont moins.

Ces sacrifices nécessaires pour la formation d’un caractère bien trempé, on n’est pas à la peine de les inventer. Ils s’imposent de bonne heure. La santé, la conservation de leur bébé, font aux parents une obligation de le contrarier, de lui interdire tel jeu ou tel plaisir. Ce sont ces devoirs impérieux, proportionnés à chaque âge, et qui vont se multipliant à mesure que l’on grandit, qu’il faut faire accepter aux enfants sans faiblesse.

À leur épargner les petites misères de l’enfance, à exciter en les satisfaisant toutes leurs exigences, on n’arrive qu’à appesantir le fardeau qui, un jour, retombera sur leurs épaules, et qu’à rendre lâches devant la vie les victimes de notre inintelligente dévotion.

A-t-on remarqué que les hommes sérieux et qui réussissent dans le monde comme les femmes les plus accomplies sont souvent les membres de familles nombreuses où cette sollicitude passionnée et exclusive des parents est inconnue ? La discipline indispensable au bon ordre d’une grande maisonnée, les concessions qu’on est forcé de se faire entre frères et sœurs assouplissent le caractère et rendent fort devant les difficultés de la vie.

Les mères canadiennes, il faut le répéter, ne sont pas des Cornélie, aussi leurs fils sont-ils bien rarement des Gracques. Combien, cependant, seraient stupéfaites si on osait leur dire qu’elles n’aiment pas ou qu’elles aiment bien mal les pauvres petits. En les gâtant, elles