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LES ENFANTS

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Ces chers petits êtres que l’on aime avec le meilleur de son âme, et qui nous tombent du ciel parés de toutes les grâces, avec ce charme impérieux des faibles et des désarmés, m’apparaissent toujours comme de redoutables énigmes.

Ces sphynx ingénus me font profondément réfléchir.

Que de mystères sous ce petit crâne déplumé. L’avenir est là nébuleux et problématique. Les germes de certains défauts, de certaines vertus y sont nichés déjà et dans l’agitation d’une menotte à fossettes, dans la façon qu’ont les enfants de manifester leurs sensations, jusque dans la plainte que leur arrache la douleur — inséparable et précoce compagne, s’attachant comme un lichen à la pauvre humanité — on se prend à chercher des particularités accusatrices, à tâcher de saisir les secrets de leur destinée future.

Et l’on réfléchit, tout en caressant le bébé dont le sort nous préoccupe, que tous ceux que l’on admire, que l’on craint ou que l’on méprise ; que les hommes célèbres, que les femmes adorées de l’heure actuelle, comme aussi les persécutés, les méconnus, les imbéciles enfin, coudoyés chaque jour, ont tous revêtu cette uniforme livrée de l’enfance innocente et gracieuse, sans que l’œil le plus perspicace, sans que même la curiosité passionnée d’une mère aient jamais pu surprendre, dans l’éveil confus de leur intellect le secret du destin, ou pressentir seulement parmi tant de vocations diverses, quel lot leur devait incomber.