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NOS TRAVERS

si grand nombre d’entre nous ?… La question, assurément, vaut qu’on l’approfondisse.

Dans nos institutions religieuses la jeunesse est nourrie de la saine doctrine catholique, laquelle, mise en pratique, non seulement guide les actes, mais purifie l’intention et prévient les écarts. Quoiqu’il soit moins facile de répondre de l’éducation de la famille, il semble cependant que dans une foule de cas, l’exemple ou le souvenir de la probité paternelle, dussent suffisamment tracer la voie aux hommes d’aujourd’hui.

Ce qui tient du phénomène c’est que ce double pouvoir ait si peu de prise sur l’âme contemporaine. On dirait que les enseignements recueillis au collège et au couvent pendant la demi-heure d’instruction religieuse, sont une routine d’école, une superfétation que la pratique de la vie vous contraint à reléguer comme le grec ou la zoologie dans la « chambre de débarras » de votre cerveau. Et pourquoi cela ? Serait-ce que dans la formation des jeunes caractères on oublie trop souvent d’unir étroitement le sentiment religieux et les notions pratiques de la moralité et de l’honneur ?…

Le sentiment de supériorité que donne au débutant moderne notre âge de progrès, l’affranchit à sa majorité de la discipline rigoureuse des bonnes gens.

— « Pauvre père ! » dit avec un sourire d’indulgence le fils émancipé à qui on prêche, ou les habitudes d’une économie bourgeoise et surannée, ou le sacrifie ; d’intérêts chers à un principe de probité.

S’il n’a pas d’objection à jouir largement de l’argent amassé par le bonhomme, il se réserve de railler doucement sa méthode d’acquérir.

C’est que le jeune civilisé a des idées plus « larges » que son « pauvre père. »

Comparée à ses moyens perfectionnés, à lui, cette méthode naïve et d’une prudence puérile rappelle l’aspect minable et ridicule des vieilles diligences à côté du fringuant tramway électrique.