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INSOCIABILITÉ

aimables en restant debout, et de la quitter après quelques instants en la saluant de nouveau. Ils accostent avec gaucherie et démarrent difficilement.

Craignant l’effort d’une conversation pénible, ils s’y dérobent en feignant de ne pas voir celles à qui des égards sont dûs. Aussi faut-il voir quelques-uns de nos lions — chez qui la timidité même, cette grâce de la jeunesse, revêt une forme offensante, — traverser un salon, bousculant les personnes âgées ou les inconnues comme des meubles encombrants, pour rejoindre une figure de connaissance. S’ils rencontrent une jeune fille aussi mal élevée qu’eux, ils iront avec elle prendre possession d’une pièce ou de quelque endroit un peu isolé pour s’y absorber dans un tête-à-tête prolongé, sans plus se soucier du reste de la compagnie que si elle n’existait pas.

Et ces êtres insociables quittent la maison de leurs hôtes, n’ayant seulement pas rempli le premier des devoirs d’un homme du monde. Pour ceux-là même dont ils ont usé de l’hospitalité sans vergogne, ils n’auront eu d’autres regards et d’autres attentions que ceux qu’on accorde à des maîtres d’hôtellerie vous logeant moyennant finance.

J’ai parlé des devoirs d’un homme du monde. La majeure partie de la jeunesse masculine d’aujourd’hui — d’après les autorités dont je m’inspire — n’en a pas la moindre idée.

La formalité des présentations, par exemple, est une opération douloureuse, à laquelle elle ne se soumet qu’à la dernière extrémité. Égarée au milieu d’une compagnie qui ne lui est pas familière, elle préférera s’ennuyer et bâiller dans son coin toute une soirée que de se soumettre à l’épreuve. J’ai entendu des jeunes gens répéter : « Je désirerais beaucoup faire la connaissance de cette dame. » « Je ne sais ce que je donnerais pour pouvoir causer avec Mademoiselle Une Telle. »

— Mais il n’y a qu’une chose à faire, une chose bien simple : faites-vous présenter.