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INSOCIABILITÉ

années, donner un bal sera l’équivalent d’ouvrir ses portes à une horde de sauvages.

— Comment, madame, les choses ne vont-elles pas assez mal comme cela ? Vous croyez que ça va empirer encore ?

— Je ne prévois pas de miracle qui puisse les changer.

Quoique je n’aie pas la mission de faire un cours de Savoir-Vivre, je consens pour cette fois à me faire l’écho des principaux reproches qu’on adresse à la jeunesse.

Les traités de Savoir-Vivre qu’on trouve dans la librairie (et que, par parenthèse, je conseille aux étudiants de piocher à l’égal du code de procédure) s’appliquent plutôt aux détails : ils supposent une connaissance rudimentaire des convenances sur laquelle ils se fondent pour poser les lois particulières.

C’est cette base nécessaire qui manque au très grand nombre des jolis cavaliers de notre société. Et les exceptions à ce très grand nombre ne sont pas toujours, comme on le sait, ceux qui appartiennent à d’excellentes familles ni même les plus intelligents. Les pains d’orge se retrouvent à tous les degrés de l’échelle. Quelques-uns même semblent croire qu’un nom illustre les dispense de s’astreindre au joug de l’étiquette. C’est être naïf et doublement absurde en ce pays où un nom ne vaut que par le mérite de son propriétaire et par l’éclat qu’il sait lui donner. Les titres, les particules dont se prévalent encore dans le Vieux Monde tant de nobles imbéciles et de brillantes nullités ne sont rien sur cette terre démocratique où la célébrité ne se transmet pas.

Un jeune homme auquel une dame fait l’honneur de l’inviter chez elle doit bien se rendre compte qu’on lui fait une faveur. En se rendant à un bal ou à quelque fête que ce soit, il ne lui faut pas songer seulement à satisfaire ses goûts, ses préférences, en même temps