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NOS TRAVERS

— Encore !

Eh bien, si tu le veux, ma chère femme, nous allons ensemble nous arranger une bonne petite vie.

— Une bonne longue vie.

— Soit, une longue vie bien tranquille, bien sereine à l’abri de toute inquiétude, de tout tracas et de tous remords.

— Ainsi soit-il.

— Écoutez-moi… suis moi bien, mon ange.

Alors, ramenant doucement son esprit enjoué au sérieux de la question, il fixerait avec elle la somme à affecter au loyer, en prenant soin de ne pas obérer trop sérieusement le budget avec ce seul article, ainsi que cela se pratique souvent. Ils conviendraient tous deux du montant à dépenser pour la table, le domestique, la toilette. De cette façon les petits sacrifices que la jeune femme peut être appelée à faire, elle sera la première à en comprendre la nécessité et à se les imposer sans qu’un mari délicat se voie dans l’obligation de les demander.

Pendant qu’ils seront en frais de réfléchir et de raisonner, nos sages amoureux en arriveront à reconnaître l’urgence d’un fonds d’épargne pour… pour l’Imprévu.

Voilà un intrus avec lequel — tout imprévu qu’il est — il faut compter. C’est souvent dans les dentelles d’un berceau qu’on le voit apparaître un bon matin. Mais hélas, il ne sait pas toujours se présenter sous une forme aussi gracieuse.

Quand on est jeune et heureux on ne craint pas l’Imprévu. Je répugne à jouer le rôle d’un prophète de malheur. Et cependant, il faut bien avoir le courage de dire à ceux à qui tout sourit dans le présent : Songez à l’avenir ; sachez envisager bravement la possibilité de ce que vous craignez le plus, et ne vous laissez pas prendre au dépourvu par le malheur.

C’est vivre au-dessus de ses moyens que de ne rien réserver pour les éventualités futures. La cigale de la