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LA VIE DE MÉNAGE

Que les maris ne se désespèrent pas trop tôt. Il est encore temps au début du mariage pour rectifier sur ce point l’éducation d’une bonne petite femme et lui enseigner la science de l’économie. Encore faut-il que les susdits maris la connaissent eux-mêmes cette science.

Il y a chance qu’à l’école des affaires ils aient appris l’art essentiel de balancer sagement la recette et la dépense.

Quels que soient l’état et l’étendue de sa fortune, qu’un homme commence donc par en instruire sa jeune femme. Qu’il l’initie à ses affaires, non pas seulement pour l’inquiéter de ses soucis et de ses préoccupations (la femme a ses propres ennuis qu’on augmenterait ainsi inutilement), mais pour l’intéresser à l’entreprise commune et lui permettre d’administrer sa part en associée intelligente.

N’envions jamais le sort des femmes à qui on permet de dépenser sans compter. Nulle fortune ne résiste à ce système ; le temps vient inévitablement où il faut crier à celles qui en ont usé : « Halte-là ! » Et alors il est trop tard pour réparer ses folies.

Moi je conseillerais à l’homme à qui je veux du bien de s’asseoir dès le lendemain de son mariage à côté de sa petite femme, devant une feuille de papier, avec un crayon à la main et de lui dire gentiment sans craindre de gâter l’exquise poésie des premiers moments de bonheur, tâchant d’en profiter au contraire :

— Voici, ma chérie, l’énorme… ou le modeste chiffre de nos revenus. Avec cela il faut confectionner un cadre aussi commode que possible pour notre bonheur. Nous ne nous laisserons pas prendre au dépourvu si vous êtes de mon avis…

Elle ne manquera pas ici d’interrompre :

— Voilà que vous dites encore vous ! payez l’amende.

Vous aussi.