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NOS TRAVERS

nation toute entière. Je voudrais qu’on me citât le nombre de nos hommes d’État ayant approfondi la science de l’économie politique.

Cette impéritie de la classe dirigeante et gouvernante, pour laquelle (à quelques exceptions près) l’équilibre financier est le secret du sphinx, se retrouve dans nos institutions publiques et privées.

Elle est la plaie de nos familles où le chef lui-même, qui gagne avec plus ou moins de facilité peu ou beaucoup d’argent, ne sait pas le plus souvent fixer le chiffre de la dépense et abandonne au hasard, à la fantaisie de sa femme ou de ses enfants le règlement de cette question.

C’est pourquoi l’on voit tant de gens vivant — selon l’expression bien connue — « au-dessus de leurs moyens, » et un si grand nombre de familles réduites à la pauvreté par la disparition du père, après avoir connu des années de grande prospérité.

La femme que l’on blâme le plus souvent dans ces sortes de désastres n’est cependant ni la seule ni la première coupable. Il est avéré que la Canadienne est une femme d’intérieur, une ménagère bien intentionnée et laborieuse, une mère d’un dévouement exemplaire.

Mais son amour de l’ordre, mais sa volonté de bien faire, toutes ces qualités, avec les courageux efforts qu’elles inspirent, ont besoin d’être dirigés.

Dans sa famille d’abord une jeune fille devrait être mise au fait du chiffre de la fortune paternelle, et apprendre à se contenter de ce qu’on peut raisonnablement lui accorder pour sa bourse personnelle. Au lieu de cela, les enfants grandissent dans l’habitude d’obséder leurs parents pour arracher à leur faiblesse le plus qu’ils peuvent. On songe trop tard à s’adresser à leur raison, et quand, forcé par la nécessité, un père se voit réduit à imposer des privations à son entourage, ceux que sa prodigalité a gâtés sont prêts à l’accuser d’injustice.