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LA VIE DE MÉNAGE

plupart se méprennent sur le sens mystique du fameux vocable. Tel qui se croit atteint d’un amour inguérissable ne fait que subir un accès de passion.

Si vous me demandez à quoi on reconnaît le sentiment supérieur que je vous indique comme le gage de toute union solide, je n’oserais m’aventurer à vous le définir, mais je me bornerai à vous en donner le signalement. Ce que j’appelle un amour réel — où l’esprit est subjugué comme le cœur est épris — se montre calme et discret, confiant et réservé.

L’échange de cette précieuse affection qui implique une estime et une considération absolues est un palliatif à toutes les misères. Par l’effet de je ne sais quel aimable miracle, il fait sentir sa douceur jusqu’au milieu des épreuves. La manifestation d’une sympathie ardente et d’un dévouement illimité est un baume aux plus âpres douleurs. Les larmes que nous arrache le malheur sont moins amères si on les verse près d’un cœur compatissant.

Le propre de l’amour vrai c’est d’être pratique. Le mari aimant sérieusement sa femme ne négligera aucun moyen de pourvoir à son bien-être et de l’augmenter dans la mesure de ses forces. De même l’épouse dévouée comprenant que le bonheur en ce monde imparfait est subordonné à mille circonstances matérielles : qu’avec une âme magnanime et le cœur le plus épris un homme ne peut se contenter éternellement d’un mauvais dîner, d’une maison mal tenue, du désordre occasionné par la conduite d’enfants mal élevés ou de serviteurs peu stylés, règlera avec sollicitude tous les détails de son intérieur de façon à en faire pour le roi et le soutien de la famille un séjour agréable.

Mais le peu de sérieux qui entre de nos jours dans l’éducation des filles les rend bien inégales à la tâche à la fois grave et délicate de diriger une famille.

L’honnêteté native qui distingue notre jeune race et je ne sais quel fonds de vertu ayant résisté à l’entraîne-