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LA VIE DE FAMILLE

foyer et les ennuis domestiques en se réfugiant sous les lambris dorés de leur séjour favori.

Ce sont de telles défections que l’épouse et la mère avisée essaie de prévenir chez les hommes qu’elle est appelée à former.

Ses filles, pour mériter le titre d’anges du foyer, doivent aider de tout le prestige de leurs séductions à y enchaîner leurs frères. Chez chacun d’eux dort plus ou moins profondément un enfant prodigue. L’âme à la fois naïve et avide des jeunes hommes ressemble aux alouettes se prenant si facilement aux pièges qui miroitent. Les ailes que le poète prête aux douces fées du home leur serviront donc à masquer l’éclat du miroir trompeur aux regards trop curieux. Ce charmant apostolat, il faut le répéter, est payé comptant par la joie d’une communion intime entre les membres d’une même famille.

J’entendis l’autre jour deux jeunes garçons, arrêtés à l’angle d’une rue, se demander d’un air perplexe : « Que ferons-nous ce soir  ? »

Je réfléchissais en m’en allant. Ces jeunes gens n’ont donc pas une mère à entourer, à égayer, à distraire après sa journée laborieuse et monotone de maîtresse de maison ? Il n’y a donc pas d’anges à leurs foyer ? Et je me prenais à rêver vaguement d’une jolie espèce d’Armée du Salut composée de sœurs dévouées qui recueilleraient ces âmes en peine, tous les égarés de cette nature, et les ramèneraient doucement — sans tambour — au bercail déserté.

Mais les fils eux-mêmes se figurent-ils qu’ils n’ont pas eux aussi un devoir à remplir ? Sont-ils donc exempts de toute obligation, ces enfants gâtés de la création ?

Sans compter celles imposées par la piété filiale qui les astreint, au même degré que les filles, à consoler, à soutenir, à récompenser par leur reconnaissante sollicitude les parents qui commencent à fléchir sous le poids