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LA VIE DE FAMILLE

ment quotidien ; et si, d’un côté, les plus réfractaires gagnent pour le moins des apparences honnêtes à ce bienfaisant commerce, d’autre part les natures délicates qui n’y auraient pas été assujetties ne posséderont jamais le vernis, le poli qu’il donne à notre manière d’être.

Dans une société où le fils du plus humble des citoyens peut s’élever rapidement, par son instruction et son intelligence, aux premiers postes et obtenir la main des femmes les plus raffinées, on a lieu de déplorer dans bien des cas certaine rudesse extérieure et les vices de formes résultant d’une éducation domestique négligée.

Ces défauts de surface chez des hommes d’ailleurs accomplis sont comme la traditionnelle épine à la rose. Sans enlever quoi que ce soit à leur mérite, ils les rendent difficiles à pratiquer. Les innombrables piqûres qu’ils font chaque jour à une nature sensible, pour n’être pas profondes, n’en sont pas moins cruellement ressenties.

Je parlais « d’accord général » dans la famille. Chacun a son rôle à jouer dans cet ensemble harmonieux. Le père y doit apporter la note grave sans abuser de ces éclats tonitruants qui effarent, énervent, révoltent plus qu’ils ne soumettent. Il n’est rien de si persuasif qu’une autorité sympathique et de si puissant qu’un maître sachant sourire. Tout en réservant ses droits de haut justicier, le chef de la maison peut être l’ami et le confident de ses enfants.

La mission de la mère est une mission de paix. La paix est un don divin. Elle s’achète au prix de mille petits sacrifices journaliers surabondamment récompensés à la fin. La maison où elle règne est désignée par une appellation populaire ; on dit : « C’est la maison du Bon Dieu. »

Le jeune homme ou la jeune fille qui aura appris sous le toit paternel à goûter ce bien suprême : la paix, le prisera le reste de sa vie au-dessus de tous les plaisirs.