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DE LA HAUTEUR

privations doivent suffire à expier les fautes du passé. Le courage qui accepte et accomplit un labeur, d’autant plus pénible qu’on n’y a pas été habitué, a droit au respect sinon à la pitié.

L’absurde préjugé encore qui nous fait mépriser le travail ou les femmes s’y livrant par nécessité ! nous qui ne valons, qui n’arrivons, qui ne nous maintenons que par le travail !

Il est reconnu que les Canadien-Français n’ont pas, comme leurs compatriotes anglais, le génie de la spéculation. Les brillantes qualités et les talents propres à notre race suffisent à nous « faire bien vivre pour mourir gras ». Pour ce qui est de thésauriser ou d’amasser de gros héritages, nous n’avons pas le temps d’y songer. Quand par accident un homme d’affaire laisse à ses nombreux enfants une jolie fortune, l’incurie de ces derniers se hâte de disperser cette accumulation insolite, à moins que le papa extraordinairement avisé n’ait assuré, par un système quelconque, l’inaliénabilité du magot.

Ces circonstances produisent pour une large part ces hauts et ces bas dont nous avons parlé, les alternatives de misère et d’opulence si fréquentes dans l’histoire des familles.

D’où vient donc alors que les oisifs et les fortunés d’aujourd’hui professent un si grand mépris pour l’honorable travail auquel leurs mères peut-être ont dû recourir pour leur subsistance ou pour celle de leur famille, et auquel rien ne les assure que leurs propres filles ne seront pas forcées de retourner ?

La possibilité d’avoir à se pourvoir un jour est l’épée de Damoclès suspendue sur la tête du plus grand nombre. Il serait bon que, même et surtout au sein de l’abondance, on réfléchît quelquefois à ce danger dont on voit tant de victimes autour de soi.

Le sentiment de ce qui peut nous arriver, en alarmant notre égoïsme, nous inspirerait peut-être un peu