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DE LA CONDITION SOCIALE

ciale qui existe si souvent entre les membres d’une même famille. Le préjugé de la « naissance, » qui ailleurs est pour les uns une barrière, pour les autres un tremplin ou un piédestal, en fait, n’existe pas parmi nous.

Le prestige du nom est inconnu ; les enfants d’un homme célèbre ou honoré n’héritent de son prestige comme de la considération publique que s’ils savent soutenir et continuer par un mérite personnel la réputation du père.

Autrement c’est de son vivant même qu’ils rentrent dans l’obscurité.

L’aristocratie qui règne dans notre société est donc le produit d’une sélection spontanée, d’une évolution naturelle contre lesquelles il est puéril de s’élever. Elle n’est pas cette caste hautaine et fermée qui dans les vieux pays monarchiques se croit sérieusement d’une essence supérieure et considère avec mépris le reste de l’humanité. Elle est au contraire accueillante au mérite. Son domaine d’ailleurs est propriété publique. Née d’hier, sortie elle-même d’humbles familles, elle n’a pas d’armes héraldiques ni de barrières blasonnées à opposer aux nouveaux candidats. Certaines conditions d’éducation ou de fortune vous admettent d’emblée dans son sein sans qu’il soit besoin d’autres passeports.

Je sais qu’on accuse le monde de se laisser trop facilement éblouir par la richesse, et d’ouvrir toutes grandes ses portes à des gens qui n’ont d’autre valeur que celle de leurs gros sous ; je sais également qu’on rencontre dans les salons, des personnes ayant la voix, le langage et la tenue de femmes de halles, comme dans les plus humbles maisons de nos campagnes on en voit quelquefois qui ont des façons de grandes dames. Le reproche n’est pas sans fondement, mais il faut l’étendre à toutes les classes de la société. Cet engouement pour tout ce qui brille, qui fait absoudre tant de misères et de défauts chez les riches, se trouvent partout.