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DE LA CONDITION SOCIALE

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La glorification des filles riches au couvent a de bien cruels revers. Quoique dans le monde le vil métal soit aussi tout-puissant, il ne réussit pas toujours à dominer le mérite et la vraie distinction. La société n’admet pas sans conteste les catégories inventées par de petites pensionnaires, et les reines de l’école éprouvent en rentrant dans leur famille de grandes déceptions.

C’est qu’elles découvrent une classification sociale toute différente. Leur gloire passée ne les console point de l’actuelle déchéance, — bien au contraire — elle fait ressentir avec plus d’amertume l’infériorité de la condition nouvelle.

À qui pourtant ces enfants doivent-elles s’en prendre de leur déception ? Est-ce au monde que régissent certaines conventions, ou bien à leur ambition démesurée qui visait trop haut ?

Quelle triste et déraisonnable chose que cette jalousie avec laquelle tant de familles empoisonnent leur vie, et combien stérile — combien désastreuse plutôt — cette fièvre de se hausser au niveau des autres, de se distinguer, d’éblouir, coûte que coûte.

Dans ce pays, les moins favorisés sous le rapport de l’élévation sociale n’ont pas même — comme dans les états où il existe une noblesse — la ressource de reprocher leurs privilèges à ceux qu’ils envient. Car on peut presque dire qu’on est en cette contrée démocratique ce que l’on veut être ou ce que l’on se fait. On en voit la preuve dans la grande inégalité so-