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FIANCÉS

jours fortuite, qu’elle ne demande pas au contraire, quelques recherches ? De ce qu’une jeune fille et un adolescent ressentent au sujet de quelque jolie frimousse une chaleur au cœur, en faut-il conclure — qu’ils y mettent ou non de l’obstination — que l’être spécial appareillé aux tendances de leur esprit et de leur âme est trouvé ?

Sans poser à la profondeur, je réponds avec assurance : non, mille fois non.

Épousez un garçon pour lequel vous ressentez seulement ce que vous appelez « de l’amour », c’est-à-dire un sentiment purement instinctif. Serez-vous heureuse ?

Peut-être.

Unissez au contraire votre vie à celle d’un jeune homme qui force votre estime et s’impose à votre admiration par ses qualités sans inspirer du premier coup cet aveugle entraînement des sens. Aurez-vous lieu d’être satisfaite de votre choix ?

Très certainement oui.

Qu’augureriez-vous du sort d’un esquif qu’on pousserait au large sans gouvernail et toutes voiles tendues, prêt à s’abandonner au courant comme à suivre l’impulsion de la première brise folle qui passera ? Son salut serait l’effet d’un miracle.

Sans doute il ne faut pas mal parler de la brise, car la brise c’est l’amour qui donne des ailes, c’est le souffle mystérieux qui enlève et fait courir avec allégresse sur la route difficile, c’est le moteur puissant sans lequel toute navigation sur le fleuve de la vie est laborieuse et terne.

Mais qu’on ne méprise pas non plus le gouvernail, c’est-à-dire, la sage raison qui dirige cette force aveugle. Son rôle dans toute union bien équilibrée doit être prépondérant.

Il ne l’est cependant pas dans le cas de ces jeunes filles auxquelles on permet de subir durant un an ou deux