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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

même facilité d’accroître le capital que peut offrir un pays nouveau, si la population y va croissant, elle pourra surpasser le niveau des moyens de subsistance, et dans ce cas les salaires tomberont au lieu de hausser, et la condition du pauvre sera fort misérable.

CAROLINE.

Mais comment est-il possible que la population s’élève au-dessus du niveau des moyens de subsistance ? Les hommes ne peuvent pas vivre sans manger.

MADAME B.

Non ; mais ils peuvent vivre d’une ration insuffisante pour les entretenir dans un état de santé et de vigueur ; des enfants peuvent naître, sans que leurs parents aient de quoi les nourrir. Dans de telles circonstances, l’accroissement de la population ne peut pas être permanent ; il doit être arrêté par la misère et la maladie ; et c’est, je le crains, une des causes qui diminuent, dans ce pays, le nombre des pauvres.

CAROLINE.

J’avoue que j’avais toujours cru qu’une grande population était une chose fort désirable. Tous les pays riches et qui prospèrent sont populeux ; les grandes villes sont populeuses ; la richesse, que vous estimez si avantageuse, encourage la population ; la population favorise à son tour la richesse, car les ouvriers produisent plus qu’ils ne consomment. Vous n’avez pas oublié que notre colonie s’enrichissait par le travail de l’équipage naufragé ; au moment de leur arrivée, il est vrai, on éprouva quelques difficultés ; mais, comme vous disiez à propos des machines, ces difficultés ne durent qu’un temps, et les avantages sont grands et durables.

MADAME B.

Vous vous trompez tout à fait, si vous imaginez que je n’envisage pas une grande population comme un grand avantage ; mais il faut que le capital du pays soit tel que les salaires suffisent à l’ouvrier et à l’entretien de sa famille ; car, dans le cours ordinaire des choses, la population s’accroît non par une recrue d’hommes forts et laborieux, comme dans notre colonie, mais par de faibles enfants qui dépendent entièrement de leurs parents pour leur sub-